Programmation 2021
8 Mai / 27 Juin 2021
Artiste invité : Olivier Frémont
Parce qu’il sait qu’un simple regard suffit à changer le sort d’un objet délaissé, Olivier Frémont trouve ses matériaux au gré de ses incursions dans l’antre des ferrailleurs.
Il prend dignement place dans la grande famille de ceux qui, à l’instar du chiffonnier de Baudelaire, dans l’Ame du Vin, glanent leur bien dans « le capharnaüm des rebuts » : «il fait un triage, un choix intelligent, il ramasse comme un avare un trésor». Marcel Duchamp fit ainsi entrer dans l’histoire un très ordinaire porte-bouteille et Jean Dubuffet révéla la beauté brute de créations dédaignées.
Comme les vins qui ne livrent tous leurs secrets qu’au fil d’un lent processus de maturation, les rêveries métalliques d’Oliver Frémont ne prennent réellement corps qu’au terme d’un patient travail sensible et physique de composition. En pratique, le maître de chai et le sculpteur exercent une même activité, l’art de l’assemblage. Qu’il s’agisse de marier des saveurs ou de conjuguer des formes, ils ont tous deux pour tâche d’associer justement en une même réalisation des éléments d’origines diverses. Ils partagent aussi une autre préoccupation : chacun en son domaine reste particulièrement attentif – mais pour des raisons différentes – au phénomène chimique de l’oxydation. Le vigneron en redoute les conséquences néfastes sur la qualité de sa production. Le sculpteur en assume pleinement les effets qui constituent en quelque sorte la peau vivante de ses œuvres.
C’est au cours de tels échanges sur la nature et l’aspect des choses que cette exposition est née.
Il ne s’agit évidemment pas d’une simple question de surface. Olivier Frémont sait qu’après Dada et les Nouveaux Réalistes qui ont magnifiquement ouvert la voie, beaucoup d’artistes ont succombé aux sirènes de la récupération mais, lui-même, n’a jamais été vraiment séduit par la poétique de l’objet « tout fait ». Les débris et restes qu’il recueille et réunit précautionneusement n’ont plus d’histoire : il « opère » au chevet de ces lambeaux suturés pour redonner couleur et vie à la chair du fer. A ce stade de recherche dans les entrailles métalliques le choix d’un rendu lisse ou rugueux, mat ou verni ne relève plus que d’un impossible défi : exprimer les états d’âme de la matière.
Vincent Rousseau
Conservateur en chef du patrimoine