Programmation 2023
03 Juin / 09 Juillet 2023
Artiste invitée : Chantal Loriot-Mélia
Chantal Loriot Mélia a pleinement su profiter de l’obscurité du chai pour présenter des installations d’ombre et de lumière.
C’est, pour elle, une belle histoire qui continue.
A la fin des années 1970, François Loriot et Chantal Mélia faisaient partie, à Nantes, des quelques rares plasticiens soucieux d’expression contemporaine qui prirent l’initiative d’ouvrir, butte Sainte-Anne, une galerie à l’enseigne d’Art-Vision. Qui pouvait prévoir qu’une dizaine d’années plus tard ils s’engageraient résolument tous deux dans une longue aventure commune ?
Surpris un matin, « par hasard », de l’apparition fortuite au plafond de leur atelier d’une forme insolite due à l’effet incident d’un rai de soleil sur la surface d’un miroir, ils commencèrent ensemble une fructueuse réflexion sur les mécanismes de production et perception visuelles des images ?
Tout le monde a expérimenté le phénomène étrange qui consiste à pouvoir discerner des éléments reconnaissables dans l’agencement des nuages, la configuration d’une tâche, la mousse d’un café-crème … Ce processus mental d’association répond au joli mot savant de paréidolie : le cerveau est entraîné à opérer de telles assimilations.
Le poète Charles Baudelaire proclame dans Curiosités esthétiques que l’imagination est « la reine de toutes les facultés : elle a créé, au commencement du monde, l’analogie et la métaphore. Elle décompose toute la création, et, avec des matériaux amassés et disposés suivant des règles dont on ne peut trouver l’origine que dans le plus profond de l’âme, elle crée un monde nouveau, elle produit la sensation du neuf . .. L’imagination est la reine du vrai . »
C’est ainsi, par exemple, que Max Ernst dit avoir inventé, en 1925, la technique du frottage en « interrogeant » les lames d’un vieux parquet.
Chantal et François, quant à eux, utilisent l’éclairage comme moyen de recherche. Dans la pénombre de leur laboratoire, ils soumettent sans préméditation des objets très ordinaires à l’épreuve de la lumière, simplement curieux de savoir ce que leurs ombres révèleront à la projection. Dans le mystère de leur chambre noire, ces imagiers réussissent, avec beaucoup de malice et de poésie, à nous faire prendre des vessies pour des lanternes (magiques), des emballages pour des paysages … Cela ne fait pas d’eux, à proprement parler, des récupérateurs. Tout au moins des petits receleurs du quotidien qui devinent en la chose la plus banale son potentiel évocateur. Il suffit peut-être de mettre la réalité à distance.
Ces maîtres de l’illusion ne leurrent cependant personne puisqu’ils livrent de visu les ficelles de leurs tours. Sans dévoiler tous leurs petits secrets de fabrication. Comment avec quelques tessons de poterie dans un certain ordre assemblés » reconstituer l’image d’une cruche ?
Depuis 2014, Chantal poursuit le chemin sur un autre registre, éprouvant à sa mesure de nouvelles dimensions. Ses photographies de paysage, prises aux alentours de Clisson où elle réside, sont présentées dans des caissons lumineux. À l’instar des productions antérieures, l’éclairage demeure un révélateur entièrement constitutif de l’œuvre mais il est, dans ce cas, placé derrière l’image. Le principe de l’installation est ainsi rendu à sa plus simple expression.
Une manière de combler le vide et réduire la distance.
Texte de Vincent Rousseau
Conservateur en chef du patrimoine